Le rôle de Grouchy

Au lendemain de Ligny, le Maréchal Grouchy dispose de 34 000 hommes pour harceler les Prussiens dans leur retraite, les maintenir séparer des Anglais et bien entendu prévenir un éventuel retour offensif de leur part.

Le 17 juin, Grouchy prend la direction de Namur, sans se douter que Blücher et ses hommes filent vers Wavres (10 Km au Nord-est de Mont-Saint-Jean). Il commet une faute dans la mesure où il dispose d'une nombreuse cavalerie (Corps de Pajol et Exelmans) susceptible de l'éclairer et de démasquer les mouvements ennemis ; erreur d'autant plus impardonnable qu'il est un brillant cavalier, entrainé dans ce domaine.

Dans la soirée, Grouchy découvre la manoeuvre prussienne et entreprend de marcher sur Wavre seulement le lendemain.

Le 18 juin, il progresse très lentement sans talonner l'ennemi, laissant trois corps prussiens filer vers Mont Saint Jean. A 10 heures, en effet, le IVe corps de Bûlow entre dans le village de Saint-Lambert à deux kilomètres du champ de bataille de Waterloo.

Maréchal de France Emmanuel Grouchy (1766 - 1847)

Quand Grouchy parvient enfin à Wavre, il est bloqué par le IIIe corps prussien de Thielmann.

A la décharge du maréchal, au cours de cette campagne la transmission des ordres du quartier général est défaillante, les estafettes envoyées en nombre insuffisant, portent les messages en retard. De surcroît, les directives de l'Empereur sont parfois mal retranscrites. La faute est imputable à Soult, qui fait office de Major-général. Il remplace sans l'égaler Berthier, le meilleur chef d'état major des campagnes napoléoniennes, mort en Suisse quelques semaines auparavant. Cette défaillance dans les communications impériales handicapent la bonne entente et la coordination des mouvements entre l'armée principale et l'aile droite sous Grouchy.

Au moment où l'Empereur rappelle à lui Grouchy, il va s'écouler 6 heures avant que ce dernier ne reçoivent le message ! c'est à dire trop tard pour venir à son secours.. De plus, l'ordre de poursuite est mal rédigé, il ne laisse pas apparaître la véritable intention stratégique de l'Empereur : l'aile droite de Grouchy devait éloigner les Prussiens de leur allié anglais afin que lui même les batte séparemment, ce qui était l'essence même de cette campagne.

Les erreurs de Grouchy ont donc été

1) de ne pas faire preuve d'initiative, en ne marchant pas vers l'Ouest au son du canon, sur les conseils de Gérard, général expérimenté de son IVe Corps alors qu' il entend le bruit de la bataille de Waterloo vers 11 heures 45, ce qui lui laisse le temps d'intervenir, d'autant plus qu''il a perdu le contact avec les Prussiens.
2) de sous-estimer la capacité de retour offensif de l'armée de Blücher après sa défaite de Ligny.
Ainsi , le
maréchal suit scrupuleusement ses ordres de poursuivre les Prussiens dans leur hypothétique retraite vers Namur, sans s'adapter aux circonstances, sans envisager que la marche prussienne puisse être autre chose qu'un repli. Son plan de route suit un axe trop à l'Est, qui ne lui permet pas de s'intercaler entre les Prusiens et le gros de l'armée, qui ne facilite pas non plus ses communications avec Napoléon. Un général, comme Davout, aurait sans aucun doute prit un autre cap, et rejoint son Empereur en ne laissant qu'un mince cordon défensif face à la route de Namur.

Dans le Mémorial de Saint Hélène, Napoléon dira de lui : "Le maréchal Grouchy avec 34 000 hommes et 108 pièces de canon a trouvé le secret qui paraissait introuvable de n'être, dans la journée du 18, ni sur le champ de batallle de Mont-Saint-Jean: ni sur Wavre... La conduite du maréchal Grouchy était aussi imprévoyable que si, sur sa route, son armée eût éprouvé un tremblement de terre qui l'eût engloutie".

A Sainte-Hélène, Napoléon dira à O'Meara : "Non, non, Grouchy n'a pas agi avec l'intention de trahir mais il a manqué d'énergie."

Pour autant, il sera victorieux à Wavre et assurera le repli en bon ordre de ses troupes après la défaite.